À l’heure où ChatGPT défraie la chronique, 75 % des acteurs européens du secteur des services financiers veulent investir plus massivement dans le déploiement de l’intelligence artificielle au sein de leur métier, selon une étude menée par EY. L’industrie du capital-investissement est toutefois bien en retard, alors que les gestionnaires d’actifs cotés confient déjà depuis une demi-douzaine d’années la réalisation d’arbitrages à des algorithmes. « L’IA ne se fait pas sans data et la data ne se fait pas sans digital. Or, contrairement au monde de la finance de marché, déjà bien avancé sur ces sujets, le private equity est encore en train de se digitaliser », reconnaît Alexis Deudon, chief data officer de Raise, qui sait de quoi il parle pour avoir commencé sa carrière chez Exane. Contrairement à leur usage dans les marchés cotés, ces outils – dont l’apparition remonte à une conférence du Darmouth College en 1956, bien avant donc que ChatGPT ne booste leur notoriété,- ne sont pas destinés à automatiser les décisions d’investissement des GPs, mais à les éclairer. Tel est en tout cas le positionnement adopté par Jolt Capital vis-à-vis de Ninja, son logiciel propriétaire. « Il peut s’écouler 6 à 9 mois entre le jour où Ninja présente une société à l’équipe et la réalisation effective de l’investissement », développe Philippe Laval, CTO de Jolt, évoquant la nécessité d’une analyse humaine complémentaire. Si la solution d’IA du fonds est aujourd’hui responsable des deux tiers de son deal flow, à son lancement en 2017, peu d’acteurs de l’écosystème auraient misé sur sa pérennité tant les profils tech étaient peu communs dans l’industrie. En arrivant chez Jolt, Philippe Laval s’est pourtant vu confier la tâche cruciale d’écrire des programmes qui explorent le web et les bases de brevets pour éprouver la profondeur du marché européen de la deeptech et, par là même, la viabilité du business model du GP. Avec son équipe désormais composée de quatre personnes, il alimente l’équipe du fonds en opportunités, grâce au screening de millions d’entreprises sur Internet. Cette donnée brute est ensuite analysée par traitement du langage naturel (natural language processing, NLP) pour détecter les sociétés qui correspondent aux critères de Jolt. Et dans le contexte de concurrence accrue entre les GPs, couplé à un environnement macro-économique qui se complexifie, l’utilité de ces outils algorithmiques s’en trouve décuplée. « Investir en VC revient souvent à chercher une aiguille dans une botte de foin. L’IA permet d’aider les équipes à trouver cette perle rare en fournissant de la donnée qualifiée pour identifier les meilleurs entrepreneurs ou les meilleurs concepts et être capable de les contacter en dehors de tout process intermédié », souligne Alexis Deudon.