Systra va confier la majorité de son capital à des investisseurs privés. Après des mois de discussions, c’est le tandem formé par Latour Capital accompagné de Fimalac et conseillé par Lazard et Natixis Partners qui entre en exclusivité pour se porter à la tête de 58 % du capital du groupe français d’ingénierie de transport qui a enregistré près de 1,1 Md€ pour un Ebitda de l’ordre de 80 M€. Selon nos informations, la société de gestion fondée par Cédric Bannel, Philippe Leoni et Alain Madelin aurait injecté, avec le concours de la holding familiale de Marc Ladreit de Charrière, plus de 300 M€, valorisant le n°3 mondial de l’ingénierie entre 780 et 880 M€, soit un multiple compris entre 9,75 et 11 fois l’Ebitda. Actionnaires chacun à hauteur de 43,4 % avant l’opération, SNCF et RATP se diluent et conservent l’un et l’autre 20 %. Le pool bancaire composé de Crédit Agricole, BNP Paribas, Société Générale et Natixis à la tête de 11,4 % du capital se retire du tour de table. Le solde relève de l’autodétention et de l’actionnariat salarial.
Process concurrentiel
L’idée d’une ouverture du capital de Systra ne date pas d’hier. Dès 2022, plusieurs médias indiquaient que la RATP et la SCNF souhaitaient faire entrer un minoritaire à leurs côtés. « D’emblée, les deux entreprises publiques ont recherché un partenaire pour reprendre entre 40 et 60 % de Systra», croit savoir un proche du dossier. Mais, n’ayant reçu que des offres émanant de fonds qui briguaient la majorité du capital, elles ont accepté de mener des négociations en ce sens. Et selon nos informations, à l’issue d’un process concurrentiel orchestré par Nomura qui a vu s’affronter dans la dernière ligne droite, comme nous l’avions révélé, Carlyle, PAI et Latour Capital (lequel avait constitué un attelage avec Fimalac dès l’automne dernier), auraient tranché sur la base d’un prix supérieur (de l'ordre de 8 %, selon notre source) et du projet industriel proposés par le duo.
Objectif : 2 Md€
Créé en 1995 par le rapprochement des filiales d’ingénierie de la SNCF (Sofrerail) et de la RATP (Sofretu) qui enregistraient alors moins de 500 MF (moins de 75 M€), Systra est aujourd’hui une entreprise mondiale de 10 700 collaborateurs, présente dans 80 pays, avec une offre de services variées, de planification, conseil, études de conception, supervision et gestion des projets et construction, essais, ingénierie digitale... sur le marché des transports, notamment dans le ferroviaire et les transports urbains, mais aussi les gares et stations, points et tunnels, ingénierie... L’entreprise se targue d’avoir été impliquée dans près d’une ligne de métro sur deux dans le monde, de Sidney à Mumbai, avec des chantiers emblématiques comme celui du métro automatique de Dubaï et de son prolongement, mais aussi Grand Paris Express (qui booste son chiffre d’affaires hexagonal, lequel pèserait pour 30 % dans les revenus du groupe), le projet High Speed 2 au Royaume-Uni, le pont Samuel-De Champlain au Canada. .... Mais il a besoin de cash aujourd’hui pour accélérer sa croissance et atteindre 2 Md€ de chiffre d’affaires dans les six ans, objectif qu’il partagerait aujourd’hui avec ses nouveaux partenaires. « Le soutien des nouveaux actionnaires, aux côtés de nos actionnaires historiques, SNCF et RATP, nous permettrait d'avancer plus rapidement et plus sûrement pour faire de Systra un champion mondial incontesté dans sa catégorie, » a estimé Pierre Verzat, président du directoire de Systra dans un communiqué.
Déploiement géographique et développement de l'offre
Depuis 2010, selon notre confrère Les Echos, Systra aurait procédé à une vingtaine d’acquisitions qui lui auraient permis d’ajouter plus de 4000 salariés et environ 460 M€ de chiffre d’affaires cumulés à son périmètre. « Mais il a manqué de fuel pour mener une stratégie agressive de build-up dans un marché en consolidation, observe un connaisseur du dossier. L’arrivée de Latour Capital et Fimalac va lui permettre d’acquérir des sociétés de taille plus importante et de combler les trous dans la raquette que ce soit d’un point de vue géographique ou « métier ». Dans ce dossier, il est moins question d’amélioration opérationnelle que d’expansion géographique, notamment aux États-Unis et au Canada, et de développement de l’offre de services. Tout en étudiant de près les enjeux liés à l’IA. » La réalisation de l’opération reste soumise au processus d’information-consultation des partenaires sociaux ainsi qu’à l’avis de la Commission des Participations et Transferts. Le signing pourrait avoir lieu cet été. Et ce, quelle que soit l'issue du procès qui se tient en ce moment même suite au déraillement,en 2015, du TGV Est (11 morts et une quarantaine de blessés), où Systra (entre autres) est accusé de manquements : les investisseurs n'auraient en effet demandé aucune garantie aux vendeurs à ce titre.