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Private equity français : quelles évolutions sur le marché?


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Agathe Zilber (CFNEWS), Alexandra Dupont (Raise), Roger Caniard (MASCF) et Olivier Millet (Eurazeo PME)

Face à une concurrence accrue et des valorisations toujours élevées, les LP's se montrent de plus en plus sélectifs dans leurs stratégies d'allocation, encourageant les acteurs du private equity à repenser leurs business models et leurs offres pour réussir à se distinguer. Analyse des évolutions du marché à l'occasion d'une rencontre d'actualité organisée par L'Agefi en partenariat avec CFNEWS.

Avec ses 16,5 Md€ levés, ses 14,3 Md€ investis, et ses 7 200 entreprises accompagnées, l'industrie du capital-investissement français a marqué un nouveau record en 2017, dépassant même les niveaux d'avant-crise. Dominique Gaillard, président du directeur d'Ardian France et nouveau président de France Invest, n'a pas manqué de le rappeler hier soir, à l'occasion de la première rencontre d'actualité sur le private equity organisée par L'Agefi en partenariat avec CFNEWS. « L'écosystème du venture s'est beaucoup amélioré mais il faut poursuivre les efforts pour réussir à attirer les investisseurs étrangers dans les fonds français pour financer les ETI et les garder dans l'Hexagone, a-t-il souligné. Sur les segments du capital-transmission et du capital-développement, l'attrait est réel mais la France peut encore faire mieux et démocratiser l'accès à cette classe d'actifs qui attire de plus en plus de family offices, de fonds souverains comme Temasek ou de gros fonds de pension comme la CDPQ qui investissent aussi en direct dans les sociétés comme minoritaires avec des durées de 10 à 15 ans. »

Contexte de taux toujours très bas

Agathe Zilber (CFNEWS) et Dominique Gaillard (Ardian / France Invest)

Agathe Zilber (CFNEWS) et Dominique Gaillard (Ardian / France Invest)

Pour Dominique Gaillard, la concurrence entre les acteurs et l'abondance de fonds participent à l'augmentation des prix - selon le dernier Indice Argos Mid-Market, les valorisations des entreprises mid-market non cotées de la zone euro ont atteint 9,8 fois l'Ebitda au Q3 2018 -. Aussi, dans un contexte de taux toujours très bas et pour garder de bons rendements, une seule option : « se retrousser les manches ». Surtout que les LP's sont prêts à répondre présents. « Sur les 29,8 Md€ d'actifs que nous gérons, 6 % sont investis en private equity, a expliqué Roger Caniard, directeur financier de l'assureur des professionnels de santé MACSF. Depuis que nous avons commencé à investir dans cette classe d'actifs, cette part n'a pas cessé d'augmenter et nous n'avons aucun frein à aller plus loin. »

Sélectivité des LP's

Bien que séduits par les TRI de cette industrie, les LP's se montrent néanmoins de plus en plus sélectifs. « Nous restons très prudents sur cette classe d'actifs, a assuré Aurélien Bon, directeur financier de la mutuelle santé Harmonie Mutuelle qui s'est lancée récemment dans le private equity. Nous sommes très attentifs au track-record de l'équipe et à sa stratégie d'investissement. Nous nous intéressons plus particulièrement à la manière dont elle construit les multiples et à la façon dont elle compte faire croître l'Ebitda de ses participations. » Cette sélectivité marquée encourage les GP's à repenser leurs offres et leurs business models pour réussir à se distinguer dans un environnement de plus en plus concurrentiel.

Casser les codes

Alexandra Dupont, Raise

Alexandra Dupont, Raise

« Pour répondre aux attentes des institutionnels, notre industrie a l'obligation de se challenger pour s'adapter au monde de demain », a souligné Olivier Millet, président du directoire d'Eurazeo PME. Et de rappeler qu'Eurazeo est très pro-actif en terme d'ESG par exemple. Pour aller encore plus loin dans la réflexion sur le rôle d'un acteur financier dans l'écosystème sociétal certains n'hésitent pas à sortir des sentis battus. « Nous sommes convaincus que l'on peut faire ce métier d'une manière différente, en cassant les codes, a insisté Alexandra Dupont, directrice associée de Raise et présidente de France Invest avec Elles. C'est pourquoi à la création de Raise, Clara Gaymard et Gonzague de Blignières ont lancé la fondation Raisesherpas dans laquelle l'équipe d'investissement reverse 50 % de son carried interest pour soutenir les start-up françaises. » Et l'initiative séduit. À date, la fondation aurait, en effet, collecté une vingtaine de millions d'euros, dont un tiers auprès de grands groupes du CAC 40, encourageant Raise à poursuivre avec la création récente du MEB, mouvement pour une économie bienveillante (lire ci-dessous).

Segmentation du marché

Olivier Millet, Eurazeo PME

Olivier Millet, Eurazeo PME

Toujours optimiste, Olivier Millet pense que les dix années à venir vont être passionnantes pour le private equity. « Le marché est en croissance ce qui permet d'entreprendre librement et à sa manière », dit-il. Un avis partagé par Bertrand Valet, managing director de BNP Paribas et responsable de la couverture des financial sponsors pour l'Europe continentale : « Le marché s'est segmenté. Aujourd'hui chaque fonds a un savoir-faire particulier mais tout le monde trouve sa place. » C'est ainsi qu'émergent plusieurs acteurs de niche en même temps que se constituent des plateformes multi-stratégies, souvent par acquisition (Andera Partners/ActoMezz, Tikehau Capital/ACE Management, Apax Partners/EPF Partners, Eurazeo/Idinvest Partners, etc.). Parmi les segments qui séduisent, celui de la dette privée (pour des raisons réglementaires aussi) se distingue très clairement. En témoignent les récentes levées d'Idinvest Private Debt IV et d'Artemid Senior Loan II, ou encore celle, toujours en cours, de Siparex Intermezzo 2 qui espère collecter 150 M€ à 200 M€. « Compte tenu de notre positionnement sur la mezzanine sponsorless, nous sommes moins sensibles aux valorisations des cibles », expliquait hier Richard Dalaud, directeur associé de Siparex et responsable de l’activité mezzanine.

Trading de confiance

Pour gagner en productivité, d'autres misent aussi sur le digital. « Les outils technologiques doivent aider pour mieux analyser la détection d'opportunités, a insisté Olivier Millet, dont les équipes testent actuellement deux projets pilotes. Néanmoins, le private equity ne sera pas "disrupté" tout de suite car dans ce métier nous faisons avant tout du trading de confiance et pas du trading de capitaux. » C'est pourquoi son développement passera toujours par ses hommes et ses femmes. Et ce, aussi bien dans le cycle actuel de valorisations élevées que dans celui qui se profile avec, selon Eddie Misrahi, P-dg d'Apax Partners, « une différenciation très forte à venir entre actifs moyens et actifs de grande qualité, qui eux resteront très bien valorisés.»

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