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L’Ebitdac : un nouvel indicateur au sein d’une approche plus multiforme de la performance financière


| 1080 mots

Nicolas Bayle, D'Ornano + Co.

Si l’appréhension des risques en matière de lecture de la performance financière d’une société a toujours été un exercice plus ou moins difficile, la montée des incertitudes dans le contexte de crise sanitaire actuel amène à adapter les outils d’analyse et de communication financière, et dans une certaine mesure à renouveler certaines approches, du moins à en revoir leur importance relative.

L’Ebitdac, un nouvel indicateur de normalisation de la performance ?

Parmi les principaux indicateurs de référence en termes de mesure de la performance opérationnelle et financière, mais aussi élément clé de composition des flux de trésorerie opérationnels, l’indicateur d’Ebitda règne dans le monde de la communication financière et des valorisations. S’il n’est pas normé précisément, ses contours sont suffisamment maîtrisés par les parties prenantes y ayant recours pour servir de base à une négociation dans une transaction par exemple. Dans cette optique, il est souvent d’usage pour le vendeur de communiquer avec ses conseils sur un niveau « normalisé » au sens de retraité en particulier des produits et charges non récurrents (et pour l’acheteur de refaire le travail de son côté). Cependant, dans un contexte de Covid-19, jusqu’où peut aller l’exercice de « normalisation » ?

Les conséquences du choc exogène sur la performance financière des sociétés sont telles qu’il est rapidement apparu comme une évidence que l’année 2020 ne pourra pas servir de référence pour une grande partie des secteurs d’activité. Utilisée d’abord plutôt sous forme de « boutade » pour tourner en dérision le penchant naturel à vouloir optimiser la présentation des indicateurs de performance, la notion d’Ebitda, entendue comme l’Ebitda hors effets Covid-19, a émergé au point d’être utilisée de façon assumée par quelques sociétés. Sur le principe, la démarche peut faire sens sous certaines conditions qu’il resterait à définir de façon commune. L’exercice se heurte néanmoins à des limites et biais évidents.

Les contours de l’Ebitdac et ses limites.

La notion d’Ebitdac est trop récente et encore trop peu utilisée pour que ses contours aient pu être définis de façon suffisamment précise. Elle repose néanmoins sur un postulat de base qui consiste à considérer la crise sanitaire actuelle comme un facteur exogène aux conséquences limitées dans le temps. En soit, il s’agit d’une déclinaison du concept d’Ebitda normatif ou ajusté qui se focalise sur un effet potentiellement particulièrement impactant, tant sur le chiffre d’affaires que sur les coûts opérationnels.

Le chiffre d’affaires est le principal agrégat impacté. D’abord la capacité de production a pu été entravée pour tout ou partie pendant la période de confinement, et au-delà selon les secteurs d’activités. Ensuite, la demande a elle-même été souvent réduite, là encore de façon plus ou moins importante selon les secteurs. Enfin, les difficultés accrues de paiements de certains clients peuvent résulter en une hausse des dépréciations de créances voir tout simplement des pertes sur créances irrécouvrables. En termes de charges, les difficultés d’approvisionnement peuvent se traduire par une hausse des coûts de fabrication. Prendre en compte cet effet requiert cependant de s’interroger sur la capacité de la société à répercuter ces difficultés sur ses prix de ventes. Par ailleurs, en cas de ralentissement de l’écoulement des produits, les coûts de stockage peuvent s’élever en conséquence. Sur le plan du personnel, les difficultés d’organisation ont des conséquences sur la productivité, tant en termes de niveau que de qualité (ces effets sont toutefois adressés en grande partie au travers des retraitements sur le chiffre d’affaires). Les retraitements évoqués ci-dessus ne sont pas exhaustifs, mais reflètent notamment que la mesure des conséquences de la crise du Covid-19 sur le chiffre d’affaires implique de réfléchir aux effets concomitants sur la structure de coûts, et réciproquement.

Quoi qu’il en soit, la porte semble désormais grande ouverte à des estimations plus que jamais subjectives, car même en ayant à disposition une information comparable (performance de concurrents directs par exemple), les tentatives d’instrumentalisation et autres biais cognitifs apparaissent inévitables. Ces biais seront limités pour les sociétés qui ont été objectivement dans l’obligation d’interrompre complètement leur activité pendant une période donnée. Néanmoins, même pour celles-ci se pose la question de l’appréciation des conséquences post réouverture. En outre, certaines sociétés dans les domaines médicaux, digitaux ou alimentaires ont pu bénéficier – temporairement – de certains effets positifs. Doivent-elles également faire l’objet de retraitements dans un sens opposé ?Sans contester l’intérêt de tenter de mesurer les effets du Covid-19 sur la performance en termes d’Ebitda, l’analyse financière requiert plus que jamais de combiner les approches.

Au-delà de l’EBITDAC, de l’importance d’une combinaison d’approches pertinentes.

Dans un contexte de perturbation économique prononcée, la communication sur un Ebitda ajusté des effets Covid doit être appuyée encore plus qu’usuellement par une prise en considération renforcée des implications en termes de génération de trésorerie et de solidité financière. Les aspects stratégiques et opérationnels se doivent d’être mis davantage en avant, car la valeur d’une société est d’autant plus importante qu’elle est capable de démontrer que son exposition à une crise sanitaire est maîtrisée ou qu’elle peut faire évoluer sa stratégie de façon à en limiter l’exposition (autres circuits d’approvisionnement, nouveaux produits etc.). Plus généralement, les aspects de résilience vont être amenés à prendre une place de plus en plus considérable. Le paradoxe est que communiquer sur un Ebitdac est justement quelque part une démonstration du contraire.

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