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Que valent les garanties d'une maison-mère ?


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Les juristes et les financiers des maisons-mères ou des holdings voient parfois arriver sur leurs bureaux les contrats qui seront conclus par leurs filiales et pour lesquels ils leur faut délivrer une garantie au profit du cocontractant. Ces garanties figureront dans la liste des engagements hors-bilans. Comment évaluer ces garanties ? Quelle est leur valeur économique ? Que faut-il porter dans l'annexe du bilan ?

Peu de sujets sont plus rebattus que celui des garanties intra-groupes, celles par exemple qu'une maison-mère peut avoir à donner pour les contrats commerciaux conclus par ses filiales, qu'il s'agisse de vente, de transport, de construction, de prestations de toute sorte. Il peut aussi s'agir des contrats d'acquisition que conclut la filiale, et la maison-mère se voit alors demander de garantir au cédant le parfait paiement du prix.

Les juristes connaissent bien le régime des avals, cautions et garanties des articles L225-35 et R225-28 du Code de commerce pour les sociétés anonymes, ou bien le débat juridique sur les garanties dites « downstream », « upstream » et « cross-stream », … mais une question est moins habituelle, à la liaison du droit des contrats spéciaux, du droit des garanties et du droit comptable : quand elle est délivrée à l'occasion d'un contrat conclu par une filiale, quelle quantification d'une « garantie maison-mère » peut bien donner le juriste à sa direction financière ou comptable ?

Il ne s'agit pas ici d'évaluer le risque financier en vue de constituer une provision pour risque adéquate, tâche comptable qui suppose une analyse du risque au vu des faits en cause, mais de quantifier ab initio l'engagement hors-bilan qui découle du texte même de la « garantie maison-mère » - question fort importante, au-delà même du cas des LBO encadrés par maints « covenants ».

La première erreur serait de prendre comme base la valeur brute, « faciale » du contrat dont il faut garantir l’exécution. Or, c'est bien cette erreur qui est souvent commise. Il faut tenir compte tout d'abord de la nature de la garantie (caution, lettre d’intention, portefort, …).

Est-elle par exemple solidaire ou suppose-t-elle d'abord que la filiale ait été mise dans l'obligation de s'exécuter elle-même et n'ait pu y parvenir ? Dans ce cas, il faut pondérer le quantum de la garantie par la solvabilité de la filiale - ce qui ne conduit donc pas à retenir, comme quantum de la « garantie maison-mère », la valeur brute du contrat garanti. Il s'agira de retenir ici le quantum tel qu'il existerait si la filiale objet de la garantie finissait par épuiser ses propres ressources et ne laissait alors au bénéficiaire, comme seule solution, que d'obtenir son règlement de la maison-mère. Ceci ne commande pas de donner à la garantie la valeur brute du contrat : il faut une évaluation qui s'appuie sur les capacités contributives de la filiale, qui peuvent s’apprécier de multiples façons.

ll faut également tenir compte des conditions de résiliation du contrat. S'il peut être résilié (comme souvent les contrats commerciaux), et peut l'être avec un préavis soit discernable à la lecture du contrat, soit « raisonnable » eu égard à la durée du contrat selon un raisonnement classique du droit français des obligations, il n'y a alors aucune raison de donner à la « garantie maison-mère » un quantum égal à la valeur contractuelle brute sur toute la durée convenue. La garantie ne peut en effet couvrir que la dette née du contrat jusqu'à la date à laquelle, du fait de la résiliation, il cessera de produire ses effets. Ceci peut faire une grande différence. La clause de résiliation, et la durée du préavis, sont donc critiques dans cette évaluation.

ll faut aussi tenir compte de toutes les clauses plafonnant, dans les contrats commerciaux, les indemnités de sortie mise à la charge de la filiale. Elles deviennent alors logiquement l’un des plafonds possibles à la « garantie maison-mère ». Là ou une analyse trop rapide conduit à retenir dans les engagements hors bilan, comme valeur contractuelle garantie, la valeur contractuelle totale sur toute la période du contrat, une analyse conduite au regard des paramètres visés ci-dessus, peut conduire à une valeur sensiblement plus basse.

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